« Malgré des soutiens fidèles, l’état du peintre ne suffisant pas toujours à assurer la totalité du nécessaire, il m’arrive de m’adonner à des activités annexes, notamment celle de décorateur de théâtre. J’y trouve l’occasion de me livrer un peu à l’agitation de peindre en grand, de faire de l’architecture, d’exercer mon sens pratique et d’avoir des relations non platoniques avec les mots et la musique. »
Th. Vernet
D’un portrait esquissé au Moyen-Orient, au profil d’un personnage de théâtre, d’une paysanne avec un foulard à une ballerine élégante, Thierry Vernet n’hésite pas une seconde à franchir le pas ! Ces mondes que l’on pourrait croire hermétiques, étanches l’un à l’autre, sont au contraire franchis sans hésitation : La moisson d’images, d’impressions et de dessins faits lors du « Grand Voyage » avec Nicolas Bouvier, restera pour Th. Vernet une source inépuisable d’inspiration à transposer dans le monde du théâtre et de l’opéra pour lesquels il a fourni un travail considérable.
Le rapport de la peinture et du théâtre?
Je serais tenté de dire qu’il n’y en a point. Ou, si l’on en perçoit un, c’est que cette perception s’établit sur une conception erronée tant de la peinture que du théâtre. Mais il peut y avoir une utilisation «dramatique» de la peinture, comme telle, dans sa spécificité de «chose peinte»: rideau peint, trompe l’œil qui ne trompe personne ou pas longtemps, etc…
Bien que peintre, c’est l’architecte en moi que le théâtre sollicite, l’espace du peintre étant par nature inutilisable au théâtre, deux dimensions ne pouvant être habitées par personne. Cependant, l’affaire du peintre étant l’expression métaphorique de l’espace, au théâtre, il se trouvera, bien qu’avec d’autres outils, à son affaire, et d’avantage aux marionnettes où la métaphore se veut plus visible encore.
Alors?
Tout ce qui sort du même homme étant de la même couleur, le travail au théâtre du peintre, aura sans doute un «air de famille» avec ses autres productions, mais le rapport s’arrêtera là.
Au temps des décors peints, ce n’était pas la peinture qui comptait mais l’illusion qui n’est pas du domaine de la peinture. Le peintre enrôlé dans l’aventure d’une création théâtrale se fera comme les autres «acteur», utilisant sa nature pour ce qu’elle est, mais également la forçant, s’amusant des distances qu’il prend avec lui-même comme d’un voyage qu’il ferait, alors que dans son oeuvre personnelle, c’est précisément du contraire qu’il jouira.
…Je me suis mis, tôt, à traîner des brosses dans des ateliers de décors et sur quelques scènes qui voulaient bien. J’y ai ajouté au fil des ans des marteaux et des clous, puis je me suis occupé à vêtir ceux qui sont en slip ou en soutien-gorge et les ai affublé de crinolines, justaucorps et perruques. Ayant appris sur le tas que « le théâtre c’est tout le théâtre », j’ai tâté, d’un engagement à l’autre, du répertoire le plus varié, « des bretelles de papa » à « Argos délivrée ». Cela veut dire que Labiche, Sacha Guitry, Molière, Euripide, Marivaux, Salacrou, O’Neil, Coaldia, Rossini, Mozart, Alben Berg, Menotti, Scarlatti (Alessandro ) etc… et même Salieri puisque maintenant on connaît, je connais ; plus quelques ballets, dont un, exquis, style « musical show » à l’américaine ; et encore, depuis quinze ans des spectacles avec Alain Recoing ; et alors, là, aux marionnettes, on s’amuse vraiment.
Thierry Vernet
C’est en 1966 que Robert Dunand, fondateur du Collegium Academicum (aujourd’hui Orchestre de Chambre de Genève) présente pour la première fois, en été, un spectacle lyrique à la Cour de l’Hôtel-de-Ville de Genève.
Sarah Ventura, metteur en scène et Thierry Vernet, décorateur, se joignent à Robert Dunand et fondent la Section lyrique du Collegium Academicum qui deviendra, au fil des années, l’Opéra de Chambre de Genève.
D’autres images et la listes des travaux de Th. Vernet au théâtre sont présentées dans : Galerie -théâtre